DOIT-ON RIRE EN HAUT LIEU DE LA COVID 19 ?


CONTRIBUTION
Le sympathique Seydou Guèye, ci-devant Coordonnateur de la Communication de la présidence de la République, a beau multiplier les belles formules comme le lui permet son parler facile, mais il ne nous ôtera pas de la tête la conviction selon laquelle le Chef de l’Etat a commis une maladresse en menaçant, au cas où ses compatriotes n’en voudraient pas, de donner à d’autres pays les vaccins contre la Covid-19 que le Sénégal vient d’acquérir.
Si l’ONU, avec l’appui de l’OMS, est en train de nous allouer gratuitement plus d’un million de vaccins, il reste qu’il nous a fallu pomper deux milliards de FCFA dans notre budget national pour s’acheter auprès de la Chine le premier lot de 200.000 vaccins. Cette acquisition a permis au Sénégal de figurer parmi les premiers pays africains à s’engager réellement dans la lutte contre la pandémie. Et pour que nul n’en ignore les responsables sanitaires et politiques se sont presque tous fait vacciner devant les caméras de la télévision.
Partant de là, si le premier d’entre eux profite de l’opération pour brandir une menace de déportation de nos vaccins, en lieu et place d’un coup d’envoi d’une vaste campagne de vaccination, il y a maldonne. Une très mauvaise sortie que l’explication de Seydou Guèye parlant d’une boutade ne saurait rapidement gommer. Certes ce dernier est, comme il a eu déjà à le faire, dans son rôle de sapeur-pompier, mais en l’espèce l’extincteur utilisé risque de mettre du temps avant d’éteindre le vaste foyer d’incompréhension ainsi déclenché. Entre la sortie présidentielle et le rattrapage de Seydou, les Sénégalais sont passés de l’indignation au rire jaune.
Tombés presque de Charybde en Scylla
Les Sénégalais étaient tellement nombreux à tendre l’oreille pour entendre de la bouche du Chef de l’Etat un vibrant plaidoyer pour la vaccination qu’ils sont en droit, une fois revenus de leur désillusion, de se demander quelle mouche l’a piqué pour qu’il nous fasse pareille prétendue « farce ». Dans le temps et dans l’espace, rien ne permet à un responsable de l’Etat, à fortiori le président de la République, de chercher à faire rire les Sénégalais en parlant d’une maladie qui quotidiennement fait une dizaine de morts. Et à la riposte de laquelle on s’est dit en guerre.
Dans le temps, l’heure n’est pas à la rigolarde face à une pandémie aux avancées foudroyantes et aux conséquences dramatiques sur les hommes, l’économie et toute autre activité humaine. Jamais l’humanité n’a fait face à un ennemi aussi subtil que puissant dans son œuvre macabre. Non seulement, elle tue sans crier gare, mais elle a fini de saper les fondements de la cohésion sociale en nous interdisant la chaude poignée de main, les accolades, la prière en rangs serrés comme le veut l’islam (mbag ak mbag—épaule contre épaule), la fréquentation assidue des lieux de culte et les cérémonies familiales. Autant de pratiques qui cimentaient notre commun vouloir de vie commune et dont il faut se passer, le temps que la Covid s’en aille. Pour toujours.
Dans l’espace, il faut savoir que le moment n’est pas à la galéjade, quand de nombreux individus font des pieds et mains pour détourner les Sénégalais de la vaccination. Un petit surf dans les réseaux permet de mesurer la variété des arguments-massue utilisés à cette fin. Tout y passe dans les éléments-audio élaborés à coups de vils montages : une personne voyant sa tête se transformer en celle d’un cheval dès l’injection d’un vaccin, la photo d’un célèbre marabout ou de son fils mettant en garde contre le vaccin censé être fabriqué avec des produits illicites aux musulmans, un prétendu savant européen ou américain déjouant le funeste projet des pays développés d’inoculer aux Africains un produit apte à les rende stériles. Et tutti quanti.
L’heure est grave et les enjeux sont si vitaux qu’il est nécessaire et sans perdre de temps de passer à la campagne de sensibilisation sur les vaccins, une opération dont la première phase sera, comme l’a dit avec raison juste un docteur de chez nous, de déconstruire les fausses idées répandues à tout bout de champ sur la nocivité de la vaccination. Agir de la sorte reviendrait de la part de l’Etat à se hisser à la hauteur du louable sacrifice de notre personnel de santé, du besoin de prévention de la majorité des Sénégalais et de la solidarité agissante de nos partenaires qui ne doivent pas se douter un seul instant que nous refusons d’être un peuple sain.
Les autorités couperont sur la même lancée l’herbe sous les pieds aux oiseaux de mauvais augure qui, pour sûr, s’appuient déjà sur les 6% des vaccins achetés offerts gracieusement à la Gambie et à la Guinée-Bissau pour prier afin que Macky cède tout à l’étranger. Ne leur donnons pas l’occasion de s’écrier bon débarras au sujet de nos si précieux vaccins….